23 décembre 2020 | Assurance maladie, Jurisprudences
Jurisprudence | Assurance maladie
Remboursement d’un médicament hors étiquette : Topamax pour un trouble bipolaire
Résumé
En novembre 2002 la clinique S. a prescrit du Topamax à Sieur A, affecté d’un trouble bipolaire. Auparavant Sieur A avait subi plusieurs hospitalisations. Durant les phases dépressives sa vie avait été menacée par des idées suicidaires. L’administration de Dépakine et de Tegretol n’avait pas permis de stabiliser son humeur. D’autre part il tolérait mal ces médicaments qui entrainaient d’importants effets secondaires. Or, trois ans plus tard, la SUPRA décida de ne plus rembourser le Topamax, puisqu’il n’était homologué que pour les troubles épileptiques et les migraines.
Sieur A contesta la décision de la SUPRA. Le Tribunal des assurances du canton du Tessin estima que le Topamax, prescrit hors étiquette, devait exceptionnellement être pris en charge par la SUPRA, car on était en présence d’une maladie menaçant la vie de l’assuré ou, à tout le moins, provoquant une atteinte grave et chronique à sa santé. De plus la maladie ne pouvait pas être traitée autrement de manière efficace, par manque d’alternatives thérapeutiques.
Le Tribunal fédéral (ci-après TF) rejette le recours de la SUPRA dirigé contre l’arrêt du Tribunal du Tessin la condamnant à assumer les coûts du Topamax. Selon le TF, l’appréciation des juges tessinois est discutable mais pas arbitraire; par ailleurs, elle est fondée sur les avis médicaux de la psychiatre traitante et de la clinique S. Dans ces conditions, l’importante utilité thérapeutique du médicament, admise par le Tribunal du Tessin, doit être confirmée. Enfin le TF estime que la SUPRA ne peut raisonnablement pas exiger de l’assuré qu’il se soumette désormais à des expérimentations pharmacologiques alors même que le traitement au Topamax donne de bon résultats depuis longtemps.
Commentaire
L’usage hors étiquette est important dans le domaine de la psychiatrie, notamment dans le cas du «Neurontin» et du «Topamax», autorisés pour l’épilepsie et utilisés pour le traitement des troubles bipolaires.
Sur ce sujet on pourra lire Loris Magistrini, L’utilisation hors étiquette de médicaments et son remboursement par l’assurance-maladie, in Jusletter 31 janvier 2011
Références
9C_743/2007 du 28 novembre 2008 (en italien)
Sur le même sujet: K83/04 du 2 mai 2005 (en allemand)
23 décembre 2020 | Assurance maladie, Jurisprudences
Jurisprudence | Assurance maladie
Changement d’assureur maladie valable en cas de prime impayée et de sommation impossible (LAMal)
Résumé
En septembre 2011, Sieur A résilie son contrat d’assurance maladie de base pour le 31 décembre de la même année. La prime de décembre 2011 n’étant pas acquittée, l’assureur lui envoie un rappel le 16 décembre 2011, puis une sommation le 20 janvier 2012 . Enfin, il refuse la résiliation et constate, en mars 2016, que Sieur A ne s’est acquitté d’aucune prime depuis janvier 2012. Sieur A saisit le Tribunal fédéral (ci-après TF) en soutenant qu’il n’était pas « en retard de paiement » au sens de la loi au moment de la résiliation et qu’on ne pouvait donc pas lui interdire de changer d’assureur pour ce motif. Le TF lui donne raison.
Le TF rappelle qu’un « retard de paiement » ne se produit qu’au moment de la notification de la sommation. Dans ces conditions Sieur A n’était pas « en retard de paiement » fin décembre 2011, puisqu’il n’avait pas reçu de sommation : il ne devait plus que s’acquitter de la prime impayée, sans être tenu à d’autres obligations contractuelles et pouvait changer d’assureur. Certes, les mesures prévues par la LAMal à charge de l’assureur (à savoir envoyer un rappel écrit, puis une sommation assortie d’un délai de 30 jours) ne pouvaient pas matériellement pas être menées correctement à terme avant la fin du contrat fixée au 31 décembre 2011 …
Commentaire
Pour celles et ceux qui sont déjà habitués à un environnement légal détraqué, la seule inquiétante étrangeté de cet arrêt, reconnaissant qu’une mesure prévue par la loi peut être impossible dans la réalité, est que l’aberration administrative, pour une fois, ne lèse pas la partie faible.
Références
9C_51/ 2016 du 2 novembre 2016
23 décembre 2020 | Assurance maladie, Jurisprudences
Jurisprudence | Assurance maladie
Perte de gain : avis du médecin traitant contre l’avis du médecin conseil
Résumé
Suite à un mobbing sur son lieu de travail, Sieur A se trouve en incapacité de travail et au bénéfice d’indemnités journalières de l’assurance perte de gain (ci-après l’assureur). En mars, après quatre mois d’arrêt, son médecin traitant confirme au médecin conseil de l’assureur que Sieur A souffre d’un état dépressif majeur, que l’évolution est favorable et qu’une reprise pourrait être exigible dans quelques mois. En mai Sieur A s’adresse à l’assurance invalidité pour une détection précoce. En juin, sans examiner Sieur A et sur la seule base du dossier, le médecin conseil de l’assureur préconise une reprise à 50% dès le 1er juillet et à 100% dès le 1er septembre alors que le médecin traitant continue à certifier une incapacité totale de travail au-delà du 30 juin. En juillet, Sieur A est licencié pour fin octobre. Il s’inscrit au chômage et l’assureur cesse ses versements. Début octobre le médecin traitant invite le médecin conseil à convoquer Sieur A pour une expertise et une réévaluation de la situation. Le médecin conseil refuse d’entrer en matière. Sieur A est indemnisé par l’assurance chômage.
Sieur A demande au juge de condamner l’assureur à lui verser les indemnités journalières dues. Le juge cantonal constate que l’incapacité de travail avait été sérieusement attestée par les médecins, alors que l’avis divergeant du médecin conseil était sommaire, dépourvu de motivation et ne se fondait pas sur un examen du patient ; il ajoute que la demande de détection précoce corroborait l’incapacité de travail ; il donne gain de cause à Sieur A.
Reprochant au juge cantonal d’avoir écarté l’avis de son médecin conseil, l’assureur saisit le Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne tort. Le TF estime que l’audition du médecin conseil par le juge cantonal aurait été inutile, puisque son opinion ne reposait pas sur un examen de Sieur A. A l’inverse, les allégations précises du médecin traitant apportent la preuve de leur véracité, car elles sont appuyées par des indices objectifs, confortés par le rapport du psychiatre. L’assureur ayant renoncé à faire examiner Sieur A par un médecin de son choix, il s’est privé de constatations cliniques autres que celles effectuées par les médecins traitants. Le TF rappelle encore que les indemnités de chômage sont subsidiaires aux indemnités perte de gain maladie. Il en découle que pour la période où Sieur A a été indemnisé par le chômage alors qu’il avait droit à des indemnités perte de gain maladie, l’assurance chômage peut se faire rembourser par l’assureur perte de gain.
Commentaire
Au-delà du scandale des expertises falsifiées par la Clinique Coréla, devenue Medlex pout tenter d’échapper aux conséquences de ses actes, le citoyen ne peut qu’être choqué de la désinvolture généralisée avec laquelle les médecins expertisent des personnes souffrantes ainsi que du mépris qu’ils manifestent pour les compétences des médecins traitants.
Références
4A_42/2017 du 29 janvier 2018 publié aux ATF 144 III 136