Éléments que le curateur ou la curatrice doit examiner avant de résilier un bail

Curatelle | Jurisprudence

Éléments que le curateur ou la curatrice doit examiner avant de résilier un bail

Résumé
Dame A est sous curatelle de représentation et de gestion. En août 2022,  Monsieur B, son curateur, est autorisé à résilier son bail, à liquider son ménage, à considérer la possibilité de mettre ses nombreux meubles en garde-meubles et enfin à l’aider à rechercher un logement conforme à ses besoins et sa situation financière. En effet, la situation financière de Dame A et de son époux est des plus précaires : Dame A est endettée de CHF 113’000.-  et son époux de CHF 89’000.-. De plus, la gérance en charge de l’appartement des époux multiplie les demandes d’intervention à l’égard de Monsieur B. Dame A paie un loyer de CHF 1’650.- pour un logement de 4 pièces dans lequel elle demeure seule dans l’attente du retour à domicile de son mari. Cependant, ce retour se heurte à de nombreuses contraintes logistiques ainsi qu’à des difficultés personnelles comme l’impossibilité de Dame A de collaborer avec les personnes qui soignent son époux au point que la représentation thérapeutique de celui-ci lui a été retirée. Ainsi, il ne se justifierait plus qu’elle restât seule dans un appartement prévu pour deux alors même que ses revenus ne lui permettent pas de couvrir son minimum vital.

Dame A conteste cette décision. Elle se plaint d’une violation de l’art. 416 al. 1.ch 1 CC  devant le Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne raison et renvoie l’affaire à l’autorité précédente pour nouvelle décision. Le TF admet que la situation financière de Dame est obérée, qu’elle occupe seule un appartement prévu pour deux et que son attitude met en péril le retour de son époux à domicile. Toutefois, comme le but visé par la mesure est de la reloger à meilleurs compte on ne saurait liquider son ménage en ignorant quel serait le montant du nouveau loyer, le coût de la location d’un garde-meuble et les frais du déménagement. Ces montants doivent être établis avec précision avant de confirmer l’autorisation de résilier le bail et de liquider le ménage. Faute de telles précisions le droit fédéral est violé.

Commentaire
Certains faits propres aux personnes en difficultés appellent des solutions radicales qui peuvent être pénibles à vivre. C’est parce qu’elles font mal que les autorités de protection de l’adulte ne peuvent pas se dispenser des calculs précis qui les justifient.

Les personnes se trouvant dans ces situations de contrainte sauront qu’elles peuvent s’opposer à une solution irréfléchie, insuffisamment pesée ou mal documentée.

Référence
5A_970/2022  du 8 février 2023

Droit d’être entendu: se prononcer sur le contenu d’un certificat médical

Jurisprudence | Curatelles

Droit d’être entendu: se prononcer sur le contenu d’un certificat médical

Résumé
Dame A est connue pour un délire persécutoire depuis 1993. En 2002 une curatrice est nommée pour permettre une intervention chirurgicale vitale, toute mesure tutélaire plus incisive étant refusée faute de danger et au motif que Dame A parvient à gérer ses affaires. En 2011 la mère de Dame A dépose une requête en interdiction expliquant que sa fille s’est clochardisée, qu’elle a perdu sa rente AI faute de se présenter aux rendez-vous fixés et que ses primes d’assurance maladie ne sont plus payées. Le tribunal désigne une curatrice à titre provisoire et la procédure suit son cours. Dame A, assistée d’une avocate, ne se présente ni aux audiences du tribunal ni à l’expertise psychiatrique, la police n’étant pas en mesure de la localiser. Son avocate explique l’avoir vue pour la dernière fois en juin 2014 dans un parc. En février 2015  le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant instaure une curatelle de représentation et de gestion en faveur de Dame A. Celle-ci recourt contre la mesure par la voix de son avocate, mais ne se présente pas à l’audience de la Chambre de surveillance. Elle délie toutefois le Docteur B de son secret médical. Il ressort du certificat médical du Docteur B que Dame A n’est pas en mesure d’effectuer seule les démarches nécessaires à garantir ses besoins financiers, mais qu’elle sait gérer l’argent de son entretien. Sur cette base, la Chambre de surveillance confirme la mesure de protection. Se plaignant d’une violation de son droit d’être entendue, Dame A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne raison.
Le TF rappelle que le droit d’être entendu, protégé par la Constitution fédérale et la Convention européenne des droits de l’Homme exige que ce soient les parties à un procès et non le juge qui décident si une pièce versée à la procédure appelle des observations de leur part. Il constate alors que le certificat médical sur lequel la cour cantonale s’est fondée pour confirmer la curatelle n’avait pas été communiqué à Dame A, qui n’avait ainsi pas eu l’opportunité de se prononcer. L’affaire est renvoyée au canton afin que Dame A puisse s’exprimer sur le certificat du Docteur B.

Commentaire
Il faut rendre hommage à la justice pour son strict respect du droit d’être entendu d’une personne dont la souffrance psychique entrave gravement la capacité de communiquer. Dans le monde des intervenants psychosociaux, à l’inverse, la tentation est vive de passer outre le respect des droits fondamentaux de personnes dont le besoin d’aide est criant.

Références
5A_1007 / 2015