Limitons les placements à des fins d’assistance au strict nécessaire

Prise de position sur les placements à des fins d’assistance (PAFA)

La prise de position de Pro Mente Sana sur la pratique actuelle en matière de placements à des fins d’assistance (PAFA) en Suisse présente le contexte dans lequel s’inscrivent les PAFA et constitue la base de nos cinq revendications visant à améliorer la qualité de la pratique actuelle dans ce domaine et à réduire considérablement le nombre de ces placements.

Le contenu de la prise de position se concentre, d’une part, sur le moment où la décision de PAFA est ordonnée et, d’autre part, sur l’admission dans l’institution psychiatrique. Les aspects relatifs au traitement appliqué et à la prise en charge psychiatrique adoptée dans l’institution une fois la mesure de PAFA ordonnée ne sont pas abordés. La prise de position s’adresse aux professionnel·les impliqué·es dans le cadre de l’exécution des mesures de PAFA mais aussi aux personnes concernées, aux personnes intéressées et aux responsables politiques.

Avec l’entrée en vigueur du nouveau droit de la protection de l’adulte (DPA), en 2013, la mesure de « privation de liberté à des fins d’assistance (PLAFA) », applicable jusqu’alors, a été remplacée par celle du « placement à des fins d’assistance (PAFA) ». Pro Mente Sana estime toutefois que la réduction du nombre de placements en institution que ce changement devait entraîner, d’après les pronostics à l’époque de l’introduction du nouveau droit, ne s’est à ce jour pas confirmée. Au contraire, d’après les chiffres disponibles (14 500 placements en 2019), il apparaît clairement que les mesures de PAFA sont de manière générale beaucoup trop fréquents. Les nombreux témoignages de personnes concernées décrivant le déroulement de mesures de PAFA dont elles ont fait l’objet comme traumatisant renforcent encore davantage Pro Mente Sana dans sa volonté de s’adresser aux autorités compétentes, aux politiques et au public dans le cadre de cette prise de position afin de formuler les cinq exigences décrites ci-après.

Selon le discours officiel, il n’est pas possible d’expliquer complètement les différences cantonales très marquées en ce que qui concerne les taux de PAFA à l’échelle nationale (allant de 0,42 admissions pour 1000 habitant·es dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures à 2,34 dans celui de Schaffhouse, avec une moyenne nationale de 1,7). En revanche, il est évident que le risque d’être exposé·e à une mesure de contrainte privative de liberté n’augmente ou ne diminue pas en fonction de caractéristiques liées aux patient·es mais plutôt en fonction des caractéristiques régionales du cadre de prise en charge (existence ou non d’offres intermédiaires et ambulatoires et d’équipes de soins, par ex.), du nombre et de la qualification des personnes habilitées à ordonner des mesures de contrainte ainsi que de leur attitude face aux mesures de contrainte.

Nos revendications visent également à ce que les mesures de PAFA ordonnées de manière justifiée et conforme au sens de la loi soient mises en oeuvre « à des fins d’assistance ». En d’autres termes, cela signifie éviter les grands déploiements de police, avec menottage et gyrophares, et privilégier la prise en charge de manière calme, compréhensive et discrète ayant pour objectif l’assistance et l’offre d’un soutien et d’une thérapie appropriés, comparables à l’assistance qu’une compagnie aérienne devrait offrir en cas d’annulation d’un vol réservé.

Cliquez ici pour télécharger la prise de position en entier.

230329 - Prise de position PAFA

La fin du modèle de délégation en psychothérapie signe l’abandon des personnes en détresse psychique à leur sort.

La fin abrupte du modèle de délégation en psychothérapie au 1er janvier de cette année laisse sans soins psychiques de nombreuses personnes souffrantes, particulièrement lorsqu’elles n’ont pas les moyens de rémunérer leurs psychothérapeutes de leurs deniers.

Depuis l’été 2022, notre association reçoit de nombreux témoignages et appels à l’aide de personnes contraintes d’arrêter leur suivi thérapeutique à cause de la nouvelle réglementation de la psychothérapie pratiquée par des psychologues entrée définitivement en vigueur au 1er janvier 2023. En effet, avec ce changement de législation nous sommes passé·e·s d’un modèle de délégation à une modèle de prescription. Ce changement visait initialement à faciliter le remboursement des prestations des psychologues-psychothérapeutes indépendant·e·s par l’assurance maladie obligatoire de soins (LAMal) sur la base d’une prescription préalable, et nous l’avons soutenu. Malheureusement, sa mise en œuvre, insensible à la limite de l’irresponsabilité, porte gravement atteinte à la santé de nombreux patient·e·s qui se retrouvent sans psychothérapeutes, lesquel·les pointent désormais au chômage alors même que leurs agendas étaient pleins.

Il est regrettable qu’un changement législatif ait lieu de manière si brutale, de sorte à enlever la possibilité aux personnes de continuer leur traitement, et sans que la moindre solution alternative leur soit proposée. N’aurait-il pas été plus conforme à un authentique souci de santé publique que les faîtières des psychologues et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) se mettent d’accord sur des solutions de droit transitoire ? Rappelons à cet égard que l’État doit pourvoir à ce que toute personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé selon l’article 41 let. b de la Constitution fédérale. Il aurait, donc bien pu être possible, par exemple, de libérer les psychologues au bénéfice d’une longue expérience de l’obligation de suivre la formation de psychothérapeute désormais exigible. Était-il inimaginable d’accorder aux psychologues un délai raisonnable pour se mettre en conformité avec les nouvelles exigences ? L’abandon des patients·es à leurs seules ressources n’est explicable par aucun intérêt public digne de protection, car les psychologues-psychothérapeutes qui ont œuvré à satisfaction sous délégation jusqu’au 31 décembre 2022 ne peuvent pas être considérés comme des dangers à écarter sans délai.

Mais ce changement de loi met également en avant les enjeux financiers autour l’obligation de suivre des formations privées très onéreuses, dispensées par les faîtières des psychothérapeutes psychologues et auxquelles nul·le ne peut faire valoir un droit (art. 7 al.4 de la loi sur les professions de la psychologie). La formation dure de 4 à 5 ans ; elle nécessite d’être engagé·e par un cabinet indépendant ou une institution afin d’avoir une expérience pratique d’une année à plein temps dans une institution accueillant des malades relevant d’une pathologie psychique. Or, non seulement le coût élevé de la formation, mais aussi le nombre insuffisant de places pour les psychothérapeutes en formation, en particulier pour l’année en pratique, sont à l’origine de la situation douloureuse dans laquelle se retrouvent des personnes déjà fragiles.

En tant qu’association qui se voue à la défense des droits et intérêts des personnes concernées par les difficultés psychiques, nous demandons que l’OFSP et les faîtières de psychothérapeutes se mettent d’accord afin que les personnes ayant besoin d’un suivi de psychothérapie puisse continuer à le faire avec leur thérapeute.

Cliquez ici pour télécharger le communiqué de presse au format PDF.

Le traitement médical sans consentement en débat ?

Pro Mente Sana salue le postulat 20.3657 déposé en juin 2020 par Laurence Fehlmann Rielle et 10 autres co-signataires pour demander que le code civil suisse, qui prévoit le traitement médical forcé des personnes souffrant de troubles psychiques lorsqu’elles sont placées à des fins d’assistance, soit modifié afin de respecter la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui interdit cette pratique discriminatoire, réservée aux seules personnes souffrant de troubles psychiques. Le postulat demande également que tout le processus de décisions prises pour des personnes incapables de discernement soit adapté pour passer de notre système de décision substituée à un système de décision assistée, exigé par la CDPH.

PMS regrette vivement que le Conseil fédéral propose de rejeter le postulat et espère que le Conseil national sera plus sensible au respect des droits fondamentaux des personnes concernées et acceptera la discussion sur ce sujet sensible.

Votation populaire du 9 février 2020

Réaction

Qui mérite encore la discrimination, le dénigrement et la haine ?

La nouvelle norme pénale criminalisant la discrimination et l’incitation à la haine, acceptée en votation populaire le 9 février 2020, est muette sur la répression de tels actes visant les personnes handicapées. Et ceci, bien que ce groupe composite soit incontestablement victime de diverses discriminations, ne serait-ce que dans l’accès à un emploi équitablement rémunéré.

Il est bien dommage que les concepteurs et les commentateurs du nouvel article 261bis CP, soumis à des sympathies aléatoires, défilant sous des bannières rassembleuses, se ralliant aux cris des plus puissants ne se soient pas souvenu, au moment de craindre la défaite et de chanter la victoire, que nos ancêtres les nazis avaient rabaissé, dénigré et éliminé le handicap, l’art et la littérature avant de s’en prendre aux opinions, à l’orientation sexuelle, à la race et à la religion.

Ne serait-il donc pas temps de penser l’altérité au-delà de nos préférences immédiates, chaque fois singulières ?

Violences à Belle-Idée

Réaction

Violences à Belle-Idée

Réponse (non-publiée par la Tribune de Genève) à l’article d’Aurélie Toninato « Fronde contre les sous-effectifs aux HUG »  (édition du mercredi 27 novembre 2019).

On apprend à l’occasion d’une pétition demandant 500 postes de plus aux HUG que trois soignants ont été agressés à Belle-Idée, l’hôpital psychiatrique du canton de Genève. Les circonstances d’une de ces agressions nous sont relatées : un patient en crise qui refusait de prendre son traitement a frappé un soignant et il a fallu six personnes pour le maîtriser. La réponse de l’hôpital à cette inadmissible violence se veut aussi rassurante pour les soignants qu’inquiétante pour les patients : les HUG renforcent les équipes de sécurité, dotent le personnel exposé d’un système d’alerte et appuient les soignants qui veulent déposer plainte.

La réponse sécuritaire de l’hôpital, envisageant le patient comme un délinquant potentiellement dangereux à contrôler puis à punir, laisse croire que toute pression exercée sur ce dernier pour qu’il avale la pilule serait nécessairement légitime et conforme aux droits fondamentaux des usagers de l’hôpital.  Or tel n’est pas le cas. La Convention sur les droits des personnes handicapées (CDPH) exige que la volonté et les préférences d’une personne incapable de discernement soient respectés ; la Convention pour la protection des droits de l’homme et la biomédecine (CDBH) n’admet, en cas d’urgence lorsque le consentement ne peut pas être recueilli, qu’une intervention médicalement indispensable, sans légitimer l’usage de la force par du personnel non médical. De même notre code civil n’autorise le traitement forcé d’une personne placée à des fins d’assistance qu’à des conditions très restrictives. Il s’ensuit que, dans un État de droit, l’exercice de la force contre un patient en crise est une atteinte à sa liberté personnelle avant d’être un problème de sécurité.

Enfin le dépôt d’une plainte pénale contre une personne incapable de discernement au moment des faits, que les HUG encouragent, peut avoir pour conséquence de la soumettre à un traitement ambulatoire forcé de droit pénal sur une durée aussi longue qu’indéterminable. Et la punition de se substituer à l’alliance thérapeutique …

L’article laisse entendre, et c’est regrettable, que la présence de gardiens, matons et autre Sécuritas serait légitime dans un hôpital dont la mission est d’accueillir des personnes que seule leur détresse et le mur d’incommunicabilité qu’il érige autour d’elles entraînent à des réactions extrêmes.

Mme Shirin Hatam

Juriste, titulaire du brevet d’avocat

 

Parentalité, diagnostics et expertise

En réaction à l’article intitulé « Garde d’enfants: experte psychiatre blanchie », paru le 11 octobre 2019 dans Le Temps :

L’association romande Pro Mente Sana tient à rappeler que notre pays est signataires de conventions internationales interdisant la discrimination des personnes souffrant de troubles psychiques.

Rien ne nous est dit dans cet article sur la seule question qui importe, celle de savoir si ces parents se sont montrés ou non maltraitants. Si cela a été le cas, alors c’est la maltraitance qui doit être évoquée à l’appui d’une restriction des droits parentaux, mais en aucun cas le diagnostic psychiatrique !

Le calendrier est ironique, puisqu’avait eu lieu la veille à Genève la première Mad Pride de Suisse, organisée par la Coraasp (association faîtière romande d’action en santé psychique) et la fondation Trajets, avec le soutien affirmé des HUG.

Tout le monde paraît donc d’accord pour combattre la stigmatisation. L’article décrit pourtant une discrimination grave : l’utilisation d’un diagnostic psychiatrique à l’appui d’une séparation parent / enfant, contraire aussi bien à la Convention des Droits de l’Enfant qu’à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Le problème ici est bien celui de lier la capacité d’être parent à un diagnostic psychiatrique qui ne donne en soi aucune information sur la relation parent-enfant !

La Cour des Comptes du canton de Genève venait quant à d’indiquer dans son rapport annuel que (nous soulignons) : « près de trois ans après le rapport, (elle) ne (constatait) aucun renforcement des mesures de soutien à la parentalité, « alors qu’elles sont indispensables pour favoriser le retour des mineurs dans leur famille et soulager les organismes d’accueil, qui demeurent surchargés ».

Tant mieux donc si les expertises réalisées ont été conduite conformément aux règles de l’art, c’est bien en fait la moindre des choses ! L’arbre de cette conformité de l’expertise ne doit toutefois pas cacher la forêt : il existe une inadéquation problématique entre les réponses administratives et judiciaires et les besoins des parents en état de vulnérabilité psychique. Ainsi qu’une défaillance de l’État à instaurer des modalités de soutien à la parentalité adéquats.

Deux professeurs de médecine ayant eu l’occasion de rencontrer les parents du collectif en question nous ont fait part de leur conviction que la dureté des procédures et le manque d’accompagnement ont aggravé leur problématique. Le sentiment d’injustice et de se retrouver face à une « machine » faite de rapports, d’écritures et d’expertises étant à risque de conduire à un « figement » de leur dynamique personnelle dans une tonalité d’indignation et de colère.

La boucle est bouclée lorsque les experts concluent que « le trouble de la personnalité est « une donnée habituelle dans le champ de la dysparentalité et des violences conjugales. »

La Convention des Nations-Unies définit la définit la personne handicapée comme une personne qui présente (nous soulignons) « des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

En l’occurrence, les services de l’État en charge de ces questions -le Service de protection des mineur-e-s (SPMi) et le Service de protection des adultes (SPAd), connaissent tous deux une surcharge, des taux d’absentéisme et une souffrance au travail révélateurs de dysfonctionnement chroniques.

Ne pas tenir compte de l’interface entre les personnes en souffrance psychique et le dispositif, et en l’occurrence des inadéquations délétères de celui-ci, est un manquement auquel il est urgent de remédier.  C’est ce que nous avons eu l’occasion de rappeler à la Commission des droits de l’homme du Grand Conseil genevois, qui nous a récemment auditionnés.