Jurisprudence | Aide sociale
Début du droit aux prestations arbitrairement reporté au mois suivant celui de la demande
Résumé
Du 19 mars au 27 avril 2018 Dame A a effectué un travail pour lequel elle a perçu un salaire de 5’693 CHF grâce auquel elle a payé factures et dépenses courantes des mois de mars et avril. Au début du mois de mai, il ne lui restait plus que 1’500 CHF. C’est pourquoi elle s’est présentée le 18 mai 2018 au centre d’action sociale (ci-après CAS) qui l’a mise au bénéfice de prestations à compter du 1er juin 2018. Lorsqu’elle a demandé à recevoir les prestations « dès la date de son annonce », le CAS a refusé expliquant que, selon les procédures en vigueur, une demande déposée dès le 15 du mois n’ouvrait le droit à l’aide financière pour le mois suivant. Dame A a contesté la date du début du droit à une aide financière. Déboutée par la Cour cantonale elle s’est adressée au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui a constaté une application arbitraire du droit cantonal genevois.
Le TF constate que, selon la loi cantonale sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (ci-après LIASI), le droit aux prestations naît dès que les conditions sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande. Dans le cas de Dame A le CAS avait estimé que le revenu de 5’693 CHF perçu en avril devait lui permettre de vivre durant le mois de mai parce que cette somme la plaçait au-delà des barèmes d’aide sociale. A cet égard le TF relève que, dès lors que le salaire de 5’693 CHF couvrait deux semaines en mars et quatre en avril, les ressources disponibles pour le mois d’avril étaient nécessairement inférieures à 5’693 CHF. Pour ce simple motif le calcul effectué par le CAS et confirmé par la Cour était manifestement erroné. Au surplus, en retenant que l’évaluation du droit aux prestations pour le mois de mai devait tenir compte des ressources du mois d’avril la Cour cantonale avait appliqué de façon arbitraire une LIASI indiquant que ce sont les ressources du mois en cours et non celles du mois précédent qui sont déterminantes pour la fixation du montant d’aide sociale.
Le TF renvoie la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision et met les frais judicaires à la charge de l’Hospice général.
Commentaire
Cet arrêt révèle les mesquines économies faites au détriment des travailleur-euses pauvres, au moyen d’obscures « procédures d’applications » violant la volonté du législateur : elles sont honteuses autant qu’arbitraires, car elles obligent des personnes sans ressources à aller jusqu’au TF pour faire constater des évidences.
Restons sur nos gardes : l’expérience nous enseigne que ce n’est pas parce qu’une pratique est jugée arbitraire par le TF que l’autorité qui l’applique y renonce.
Références
8C_31/2020 du 26 mars 2020