Jurisprudence | Assurance invalidité

Il vaut la peine de contester un projet de décision négative même avec des éléments de fait qui n’avaient pas été apportés plus tôt

Résumé
Suite à une nouvelle demande AI pour cause de rechute dépressive, Dame A est expertisée par le Docteur B, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Il diagnostique un épisode dépressif léger sans incidence sur la capacité de travail. L’office AI (ci-après OAI) informe Dame A qu’il va refuser la rente. Dame A s’oppose au projet de décision par le truchement de la Doctoresse D qui produit un rapport. L’OAI refuse néanmoins la rente et le Tribunal cantonal confirme ce refus. Dame A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne raison et renvoie la cause à l’OAI pour complément d’instruction.

Le TF remarque que l’avis de la doctoresse C, psychiatre traitante, n’est pas une appréciation subjective des faits évaluées par l’expert B, mais une critique circonstanciée de son rapport, qui remet ses conclusions en question. Ainsi l’expert préconise un traitement dont il ignore qu’il avait déjà été instauré et avait échoué ; il ignore les tentatives de réinsertion et les causes de leur échec ; il ne mentionne ni les troubles du comportement alimentaire ni les événements traumatiques survenus depuis l’enfance. Le TF concède que la plupart de ces éléments n’avaient pas été communiqués à l’expert par Dame A, mais qu’ils avaient été rapportés par la doctoresse D à l’occasion de la contestation du projet de décision. Toutefois, leur mention postérieure à l’expertise n’ôte rien à leur pertinence. L’OAI aurait dû inviter l’expert B à s’exprimer sur ces critiques s’il voulait pouvoir se fonder sur son rapport. De plus, le Tribunal cantonal a sombré dans l’arbitraire en estimant que Dame A a encore des ressources mobilisables du seul fait qu’elle maintient des relations avec certains membres de sa famille dont elle est dépendante.  De même, il ne pouvait, sans plus ample explication, qualifier de « simulation » une « augmentation » de symptômes qui pourrait être rapprochée d’un diagnostic psychiatrique de majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques. Faute d’avoir tenu compte de tous les éléments connus, le Tribunal cantonal n’a pas procédé, ainsi qu’il aurait dû le faire, à une analyse selon la grille d’évaluation normative et structurée développée dans l’ATF 141 V 281 (en allemand).

Le jugement et la décision de l’OAI sont annulés et l’affaire est renvoyée pour complément d’instruction.

Commentaire
Les ayants-droit renoncent souvent à contester le projet de décision estimant que l’OAI, comme un âne qui n’a pas soif, ne tient nul compte de leurs remarques. Cette jurisprudence, qui rappelle aux OAI qu’avant de rendre une décision ils doivent prendre en considération tous les éléments pertinents y compris ceux qui ne leurs avaient pas été fournis avant, ne dément pas les craintes pessimistes des ayants-droit puisqu’il a fallu aller jusqu’au TF pour faire boire l’OAI à la bonne source !

Références
9C_55/2020 du 22 octobre 2020