Jurisprudence | Droit pénal

La schizophrénie du prévenu n’est pas un risque concret de récidive

Résumé
Sieur A, qui souffre de schizophrénie, a été condamné en 2013 à une peine privative de liberté de six mois, suspendue au profit d’un traitement institutionnel en milieu ouvert. Entre 2014 et 2017 Sieur A a été transféré d’une clinique vers une prison, de la prison en foyer, du foyer vers la clinique puis finalement transféré en milieu pénitentiaire fermé sur la base d’une expertise concluant à la nécessité d’un environnement contrôlé ne permettant ni fugue ni manquement aux entretiens thérapeutiques ou aux activités proposées. Selon l’expertise l’adhésion fragile aux mesures était liée à l’anosognosie de Sieur A, son évolution psychologique par rapport à ses actes demeurait superficielle de sorte qu’il était à craindre qu’en cas de rupture future du lien thérapeutique il ne retombe dans les travers qui lui avaient valu une condamnation. Sieur A s’insurge jusqu’au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui annule le placement en milieu fermé.

Le TF rappelle tout d’abord les conditions d’un placement en milieu fermé de l’article 59 alinéa 3 du code pénal* (ci-après CP) : risque de fuite ou de récidive qualifié c’est-à-dire concret avec de hautes probabilités de nouvelles infractions. Le risque de fuite n’est avéré que si l’intéressée a la ferme intention de s’évader en ayant recours à la force si nécessaire et qu’il dispose des facultés intellectuelles, physiques et psychiques nécessaires alors que le risque de récidive suppose une dangerosité interne par exemple lorsque le prévenu profère des menaces précises. Reprenant les constats de la cour cantonale le TF juge que ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce. En effet, les fugues de Sieur A n’étaient pas liées à une volonté de se soustraire au traitement et son comportement durant ces périodes n’avait donné lieu à aucune plainte même s’il en profitait pour consommer du cannabis. S’agissant du risque de récidive retenu par la cour cantonale, il était hypothétique et se fondait sur un événement futur potentiel à savoir la rupture du lien thérapeutique. D’autre part, la violation des règles internes à l’établissement et le risque de récidive inhérent à toute personne faisant l’objet d’une mesure thérapeutique ne suffisent pas à justifier un placement en milieu fermé au sens de l’art. 59 al. 3 CP. Enfin, rien ne permettait de de conclure que le placement en milieu fermé favoriserait l’amélioration de l’état clinique de Sieur A. Par conséquent le TF annule le placement de Sieur A en milieu fermé.

*Art. 59

  1. Lorsque l’auteur souffre d’un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel aux conditions suivantes :
    – l’auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trou­ble;
    – il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble
  2. Le traitement institutionnel s’effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d’exécution des mesures.
  3. Le traitement s’effectue dans un établissement fermé tant qu’il y a lieu de craindre que l’auteur ne s’enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l’art. 76, al. 2, dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié.
  4. La privation de liberté entraînée par le traitement institutionnel ne peut en règle générale excéder cinq ans. Si les conditions d’une libé­ration conditionnelle ne sont pas réunies après cinq ans et qu’il est à prévoir que le maintien de la mesure détournera l’auteur de nouveaux crimes ou de nouveaux délits en relation avec son trouble mental, le juge peut, à la requête de l’autorité d’exécution, ordonner la prolonga­tion de la mesure de cinq ans au plus à chaque fois.

Commentaire
Une personne anosognosique adhère mal à des mesures dont elle ne perçoit pas l’utilité. Cette attitude est inhérente à son handicap et ne devrait, par conséquent, jamais justifier son maintien en prison, car cela ne serait pas conforme à l’article 14 CDPH (Convention relative aux droits des personnes handicapées RS 0.109) selon lequel en aucun cas l’existence d’un handicap justifie une privation de liberté.

Référence
6B_319/2017 du 28 septembre 2017