La Suisse condamnée le 2 novembre 2021 par la Cour européenne des droits de l’homme* pour avoir interné en prison une personne souffrant d’un grave trouble psychique, après de 20 ans d’incarcération pour des crimes commis en état de responsabilité restreinte.

W.A. a été condamné en 1993 à une peine de 20 ans de prison notamment parce que, à cette époque, l’internement durait rarement plus de 5 ans et qu’il fallait protéger la société. A l’issue de sa peine, en octobre 2010, il a été maintenu en détention provisoire dans le but de pouvoir prononcer un internement de sécurité sur la base d’une disposition du code pénal (art. 65 CP) entrée en vigueur en 2007. Une expertise de 2009, appliquant une méthode qui n’existait pas dans les années 90 et aux termes de laquelle W.A. souffrait d’une pathologie qui ne pouvait pas être traitée et entrainait un risque élevé de nouveaux actes de violence, a permis au Tribunal fédéral d’autoriser la réouverture des procédures à l’encontre de W.A., même en sa défaveur.  C’est ainsi que le Tribunal cantonal prononça l’internement de sécurité de W.A. jugeant qu’il aurait rempli les conditions d’un internement en 1993 et qu’il les remplissait encore aujourd’hui ; il jugea également qu’un traitement psychiatrique avait peu de chances de succès et le maintint en prison.

La Suisse est condamnée pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme à verser un tort moral de 40’000 francs à W.A. sur les bases suivantes :

  • Article 5 § 1 let. a) et e) CEDH Droit à la liberté et à la sûreté : l’internement de sécurité équivaut à une peine supplémentaire de fait sans remplir conditions d‘une « condamnation » régulière au sens de cette disposition. Par ailleurs, dès lors que W.A. est un « aliéné » au sens de la CEDH il faut le détenir dans un établissement approprié aux personnes souffrant de troubles psychiques et non pas dans une prison ordinaire.
  • Article 7 §1 Pas de peine sans loi : l’internement de sécurité a posteriori équivaut à une peine plus lourde que celle qui pouvait être prononcée en 1993 ; en effet, à cette époque il n’aurait pas été possible de prononcer un internement de sécurité ultérieurement à la condamnation.
  • Article 4 Protocole 7 Droit de ne pas être jugé ou puni deux fois : il n’y a pas de faits nouveaux ou de faits nouvellement révélés qui auraient autorisé la réouverture du procès.

N’est-il pas temps d’empoigner courageusement la problématique des personnes dangereuses malgré elles plutôt que de la cacher derrière les hauts murs d’un pénitencier ?

*Cet arrêt ne deviendra définitif que 3 mois après son prononcé, sauf renvoi devant la grande Chambre.

Références
38958/16 W.A. contre Suisse du 2 novembre 2021