Jurisprudence | Placement à des fins d’assistance
Un trouble éphémère de la conscience ne justifie pas un PAFA ; la compétence de décider d’un PAFA ne peut pas être déléguée ; précision de la notion de grave état d’abandon
Résumé
Le Dr A, appelé en urgence au chevet de Dame B en hypoglycémie, fit appel à des ambulanciers et leur remit un bon d’hospitalisation ainsi qu’un formulaire de placement à des fins d’assistance (ci-après PAFA) « à utiliser si besoin » : Dame B aurait tenu des propos agressifs, refusé d’entendre des explications et se serait montrée incapable de mener une argumentation, ce qui aurait dénoté un grave état d’abandon. Le Dr A fut dénoncé par les hôpitaux universitaires de Genève pour avoir pris une décision d’hospitalisation contre la volonté de Dame B alors même que celle-ci ne remplissait pas les conditions d’un PAFA. La Commission de surveillance prononça un avertissement à l’encontre du Dr A pour n’avoir pas compris les modalités du PAFA et parce qu’il n’avait pas le droit de laisser aux ambulanciers le choix d’exécuter une décision de PAFA. Le Dr A recourt au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui confirme l’avertissement.
Le TF rappelle que le PAFA est un acte d’autorité débouchant sur une privation de liberté et que les actes d’autorité peuvent fonder une sanction disciplinaire.
Le Dr A ayant allégué que c’était un grave état d’abandon qui justifiait le PAFA le TF précise que cette notion doit être interprétée d’autant plus restrictivement qu’elle n’est pas mentionnée comme cause possible d’une privation de liberté par la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH). Il estime d’autre part que la situation de Dame B n’avait rien à voir avec celles dans lesquelles il avait validé l’existence d’un état incompatible avec la dignité humaine.
Puis le TF constate que le Dr A n’a pris aucune des précautions imposées aux Autorités de protection de l’adulte et de l’enfant pour autoriser un PAFA : indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquaient de mettre la vie de Dame B ou de tiers en danger, dire s’il y avait nécessité de l’assister ou de la traiter, préciser les risques concrets pour la vie pour la santé de Dame B qui subsisteraient si la prise en charge préconisée n’était pas mise en œuvre et signaler si Dame B prenait conscience de sa maladie et de la nécessité d’un traitement. Dans tous les cas, une altération passagère de la conscience ayant une cause somatique fait obstacle à une mesure aussi extrême qu’un PAFA. Constatant au surplus que la loi ne laisse pas la possibilité à un médecin de déléguer la prérogative d’apprécier concrètement les conditions matérielles d’un PAFA, le TF confirme que le Dr A a lourdement contrevenu à ses obligations professionnelles et violé la loi.
Finalement, le TF répond aux tentatives de justification du Dr A qui se prévaut de son obligation de prêter assistance en cas d’urgence. Doutant de l’existence d’une situation d’urgence, le TF rappelle que même en cas d’urgence le médecin doit respecter les règles de l’art. Considérant que l’acte du Dr A était révélateur d’un manque de connaissance des principes essentiels du bon fonctionnement de l’activité médicale, que ses fautes étaient sérieuses et qu’il avait créé les conditions d’une atteinte grave à la liberté personnelle de Dame B, le TF confirme l’avertissement, qui est la plus faible des sanctions.
Commentaire
Reste à espérer que la légèreté du Dr A est l’unique source d’une utilisation inconséquente de mesures gravement coercitives. Il serait inquiétant de devoir incriminer le manque de formation ou une pratique médicale contemporaine voyant le·la praticien·ne abandonner le·la patient·e ainsi que ses compétences professionnelles pour courir à ses plaisirs. Notons encore que le grave état d’abandon, tel un caillou dans la chaussure du PAFA, fait boiter les tribunaux qui ne savent plus comment rendre cette notion suisse compatible avec la CEDH qui l’ignore.
Référence
2C_451/2020 du 9 juin 2021 publication prévue aux ATF