Jurisprudence | Prévoyance professionnelle – LPP – 2ème pilier

Droit à une rente du 2e pilier en cas de trouble bipolaire alors que la maladie est diagnostiquée après la fin des rapports de travail

 

Résumé
Alors qu’il travaillait pour l’école B de mars 2003 à décembre 2005, Sieur A était affilié pour le 2e pilier à la caisse PUBLICA. En décembre 2005, il s’est disputé avec son directeur de thèse, a quitté son emploi avec effet immédiat, s’est séparé de son épouse et est parti à l’étranger pour un projet dont on ne sait rien. En janvier 2006, sa psychiatre traitante, la Doctoresse C, l’a adressé à l’hôpital pour avis car elle soupçonnait un trouble bipolaire. Sieur A n’a pu être examiné qu’à son retour de l’étranger en mars 2006. L’hôpital a alors posé le diagnostic et constaté que l’état dans lequel se trouvait Sieur A durait depuis septembre 2005. Sieur A s’est annoncé à l’assurance invalidité en septembre 2008. Il a obtenu une rente de l’assurance invalidité dès septembre 2007. Il a alors demandé une rente d’invalidité à PUBLICA qui la lui a refusée au motif qu’il n’existait pas de rapports médicaux établis en temps réel entre mars 2003 et janvier 2006, qui prouveraient une incapacité de travail pendant la période d’affiliation.

Le Tribunal cantonal a condamné PUBLCA à verser une rente à Sieur A. A cet effet, le Tribunal cantonal a établi que Sieur A souffrait de troubles psychiatriques graves depuis 2001, qu’en 2006 l’hôpital avait posé un diagnostic de trouble affectif bipolaire, que la doctoresse C qui suivait Sieur A depuis 10 ans avait attesté de manière rétrospective une incapacité de travail à 100% dès janvier 2006 et que, s’il n’y avait pas de certificat médical en temps réel, les constats de la Doctoresse C étaient corroborés par d’autres pièces médicales établies en temps réel.

PUBLICA recourt au Tribunal fédéral (ci-après TF) en faisant notamment valoir que l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité n’est pas survenue à une époque où Sieur A lui était affilié. En particulier, PUBLICA avance que la Doctoresse C avait souvent changé la date de la survenance de l’incapacité de travail et que, par conséquent, son avis n’avait pas de valeur probante. Le TF déboute PUBLICA et confirme la rente de Sieur A.

Selon le TF, les faits démontrent une péjoration brutale de l’état de santé de Sieur A en septembre 2005 de sorte que l’on peut sans arbitraire fixer le début de l’incapacité de travail en janvier 2006 au plus tard, soit dans le mois qui a suivi la fin du contrat de travail. En effet, face à un assuré en phase hypomane qui, ayant le (faux) sentiment d’un changement d’humeur positif, n’a pas consulté immédiatement sa psychiatre le Tribunal cantonal pouvait admettre que l’incapacité de travail était survenue en janvier 2006 au plus tard.

PUBLICA fait également valoir que l’incapacité de travail serait survenue avant que Sieur A lui soit affilié (soit dès 2001), de sorte qu’elle n’aurait pas l’obligation de prester. Le TF lui répond que Sieur A a été en mesure de travailler à 100% durant deux ans et neuf mois sans arrêt de travail, baisse de rendement ou avertissement avant l’épisode hypomane qui l’a conduit à la démission. Ainsi, même s’il avait été malade avant 2003, du fait qu’il a été capable d’exercer pendant plus de trois mois une activité professionnelle permettant de réaliser un revenu excluant le droit à une rente, le lien de connexité temporelle entre une éventuelle incapacité de travail pour troubles psychiques qui aurait existé avant mars 2003 et celle survenue en janvier 2006 aurait été interrompu.

 

Commentaire
Les maladies psychiques qui ne se manifestent pas par des arrêts de travail sont souvent difficiles à établir. Dans ce cas, on retiendra que la maladie est valablement attestée en temps réel alors que la personne a été adressée à l’hôpital pendant le mois qui a suivi la crise (soit pendant l’affiliation à la caisse de pension aux termes de art. 23 al. 1 let a LPP) même si le diagnostic est posé plus tard et rétrospectivement.

 

Référence
9C_428/2022  du 10 février 2023