Jurisprudence | Droit des prestations complémentaires

Droit à une aide financière transitoire pour une propriétaire immobilière à l’AI

Résumé
Dame A, titulaire d’une rente AI, est propriétaire en main commune* avec ses sœurs d’un immeuble comprenant trois appartements ; un droit d’habitation avait été constitué au profit des parents jusqu’à leur décès en 2016. C’est alors que les prestations complémentaires de Dame A furent supprimées au motif qu’il fallait tenir compte de la valeur de l’immeuble. En effet, la fortune de Dame A était désormais supérieure aux normes (820’000 CHF), et l’immeuble lui procurait un revenu estimé à 36’900 CHF du fait qu’il ne lui servait pas d’habitation. Or, Dame A faisait valoir qu’elle ne parvenait ni à obliger ses sœurs à vendre, ni à obtenir leur accord pour occuper l’un des appartements de sorte que sa fortune lui était inaccessible. Dans cette situation elle se retrouvait sans aucun moyen de subsistance, dans l’incapacité de s’alimenter, payer le loyer, l’assurance maladie et ses frais de santé, ce qui violait son droit à obtenir une aide dans une situation de détresse, un droit pourtant garanti par l’article 12 de la Constitution fédérale (ci-après Cst).

Au terme d’un recours de droit public, le Tribunal fédéral (ci-après TF) a estimé que Dame A devait avoir droit à des prestations d’aide sociale ordinaire dans l’attente de la liquidation de la succession et a renvoyé l’affaire au Service des prestations complémentaires pour qu’il effectue le calcul.

Le TF commence par rappeler que l’article 12 Cst. ne garantit que la couverture des besoins élémentaires pour survivre comme la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. Le droit cantonal à l’aide sociale est plus complet et ressort de la compétence des cantons. A Genève, la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (ci- après LIASI) prévoit qu’exceptionnellement une aide financière remboursable peut être accordée aux propriétaires pour autant qu’ils habitent leur immeuble. Cette aide avait été refusée à Dame A, car elle n’habitait pas l’immeuble dont elle était propriétaire. Le canton estimait également que Dame A n’avait pas droit à l’aide exceptionnelle prévue par la LIASI pour ceux qui attendent la liquidation d’une succession, du fait qu’elle ne pouvait pas être préalablement qualifiée de bénéficiaire de l’aide sociale.

Le TF juge qu’en l’absence de ressources immédiatement disponibles ou réalisables à court terme, l’intéressée doit être considérée comme étant dans le besoin et que l’État doit lui accorder une aide à titre transitoire. En cas de succession non partagée, l’autorité compétente doit, après avoir fixé un délai pour ouvrir une action en partage, accorder une aide transitoire sous forme d’avances remboursables. Ce droit existe pour Dame A, même si elle ne peut pas être préalablement qualifiée de bénéficiaire de l’aide sociale du fait qu’elle dépasse les limites de fortune donnant droit à des prestations financière générales. Dès lors, en conditionnant le droit à une aide transitoire à la possibilité d’être qualifié de bénéficiaire des prestations de la LIASI, le canton de Genève a vidé cette loi de toute portée, ce qui est insoutenable.

* Cela signifie que chaque propriétaire communiste ne peut exercer son droit qu’en vertu d’une décision unanime (art. 653 al. 2 CC)

Commentaire
La paupérisation qui touche la population suisse un peu plus intensément chaque année accroit cette catégorie nouvelle et surprenante des propriétaires indigents. Une application mécanique et inintelligente des dispositions d’aide sociale a conduit le canton de Genève à refuser absurdement l’aide à une personne n’ayant que 752 CHF pour vivre avec deux enfants ! Il était donc sain que le TF reconnaisse un des nouveaux visages de la pauvreté.

Référence
8C_444/2019 du 6 février 2020 publié aux ATF 146 I 1

Le communiqué de presse du Tribunal fédéral