Jurisprudence | Droit pénal

La conversion d’une peine privative de liberté en internement nécessite des faits nouveaux

Résumé
Sieur A a été condamné à une peine de réclusion de 12 ans pour tentatives de meurtre et d’assassinat sur les personnes de sa femme et de sa fille. Alors que l’exécution de la peine doit prendre fin en juin 2019, le Ministère public (ci-après MP) demande, en juin 2018, une conversion de la peine privative de liberté en internement -d’une durée indéterminée- en se fondant sur l’article 65 alinéa 2 du code pénal qui permet cette conversion si des faits ou des moyens de preuve, survenus après le jugement, démontrent que le condamné remplit les conditions d’un internement et que ces conditions étaient déjà remplies au moment du jugement sans que le juge ait pu en avoir connaissance. La procédure applicable est celle de la révision pénale. Pour motiver sa requête, le MP s’appuie sur un diagnostic d’octobre 2016 qui démontrerait que la personnalité de Sieur A est plus gravement perturbée qu’on ne pouvait l’affirmer au moment du jugement.

Face au refus de la Cour de justice le MP s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne tort.

Le TF rappelle d’abord que la dangerosité n’est pas un fait mais une appréciation, que, dès lors, une nouvelle expertise ne peut conduire à une révision que si elle permet d’établir que les faits retenus par le premier jugement étaient faux ou imprécis ; à cela s’ajoute que les faits et moyens de preuve nouveaux doivent être sérieux, c’est-à-dire de nature à ébranler les constatations sur lesquelles se fonde la condamnation. En l’espèce, le MP voit un fait nouveau dans le diagnostic de personnalité paranoïaque avec accentuation de traits de personnalité narcissique posé en 2016. Or, le TF constate que ce diagnostic ne s’est que très légèrement écarté des précédents qui retenaient déjà un caractère soupçonneux et une tendance envahissante à déformer les événements en interprétant les actions impartiales ou amicales d’autrui comme hostiles ou méprisantes. D’autre part les difficultés de traitement et l’incapacité à évoluer de Sieur A étaient déjà connues au moment du jugement. La nouvelle expertise n’apportant aucun fait nouveau par rapport aux constatations et analyses de l’expert qui s’était prononcé au moment du jugement initial, il n’y a pas matière à révision en défaveur du condamné.

Commentaire
Cet arrêt nous rappelle que la dangerosité présumée n’est pas punissable : c’est salutaire à une époque où la tentation sécuritaire nous induit à confondre l’atteinte à l’ordre public avec l’état dangereux.

Références
6B_986/2018 du 22 novembre 2018