Jurisprudence | Droit de la famille

La schizophrénie d’un père ne justifie pas à elle seule la limitation de son droit de visite

Résumé
Sieur A est père de deux enfants.  En 2017 le tribunal de la famille ordonne un droit de visite surveillé. Deux ans plus tard, après le divorce, le droit de visite surveillé de Sieur A est fixé à deux samedis par mois durant 3 heures et demie, la surveillance des relations personnelles étant confiée à l’organisation B. Sieur A recourt contre cette décision, réclamant une adaptation du droit de visite de façon à ce que celui-ci puisse s’exercer sans surveillance chaque semaine du samedi à 9 heures au dimanche à 19 heures, précisant qu’il accepte un accompagnement au moment de la remise des enfants ainsi qu’une curatelle pour surveiller ce transfert. Le Tribunal cantonal refuse un droit de visite ordinaire au motif que Sieur A souffrirait de schizophrénie de sorte que son comportement serait étrange, qu’il aurait de la peine à respecter les règles, n’aurait pas conscience de sa maladie, qu’il préférerait son fils à sa fille et qu’il aurait été agressif envers la mère des enfants, toutefois hors de leur présence.

Le Tribunal fédéral (ci-après TF) donne raison à Sieur A.

Dans un premier temps, le TF rappelle le droit fondamental des parents à un contact personnel, direct et privé avec leurs enfants. Dans cette perspective, la surveillance du droit de visite a pour but de protéger les enfants, de désamorcer des situations de crise et d’améliorer la relation entre parents et enfants ; conçue comme une transition elle ne peut être ordonnée que pour une durée limitée. Selon le TF la maladie psychique n’est pas en soi un motif justifié pour limiter le droit de visite d’un parent. Le comportement étrange du père, ses confits avec la mère allant jusqu’à des voies de faits, de même qu’une préférence nette pour son fils par rapport à sa fille ne justifient pas un accompagnement pendant toute la durée de la visite, faute d’éléments concrets faisant craindre une mise en danger du bien de l’enfant. L’appréciation vague et générale du tribunal cantonal, qui ne précise ni le comportement concret reproché à sieur A ni la menace qui en résulterait pour l’intérêt supérieur de l’enfant, n’est pas de nature à justifier une restriction du droit de visite. Le fait que le fils ait réagi avec peur et inquiétude au début de la maladie de son père et particulièrement lorsque Sieur A s’est montré agressif avec la mère ne justifie pas non plus une restriction grave au droit de visite. En effet, les conflits entre les parents peuvent être traités par d’autres mesures qu’une surveillance des relations personnelles entre le père et ses enfants. S’agissant de la fille, le TF constate que ses réactions ne se sont pas documentées. Il est dès lors reproché au tribunal cantonal d’avoir supposé qu’elle aurait bientôt des réactions similaires à celles de son frère aîné. En effet, la décision de justice doit porter sur le présent et non sur le futur. Au surplus la règlementation du droit de visite peut être différente pour chaque enfant, puisque chacun·e a un droit indépendant aux relations personnelles avec ses parents. Si chacune des circonstances mises en avant par le tribunal cantonal ne suffit pas pour justifier une limitation du droit de visite, prises ensemble, elles pourraient apparaître suffisantes. Mais en l’espèce il n’y a pas d’éléments concrets permettant de conclure à une mise en danger du bien des enfants.

Commentaire
Réjouissons-nous de cet arrêt réfutant les préjugés discriminatoires qui s’exercent ordinairement à l’encontre des personnes malades et particulièrement de celles dont le comportement inhabituel ne transgresse pourtant pas la loi. Faut-il rappeler que la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH ratifiée par la Confédération, voir RS 0.109) exige que les États prennent des mesures pour éliminer la discrimination à l’égard des personnes handicapées dans tout ce qui a trait à la fonction parentale et aux relations personnelles (art. 23 al. 1 CDPH) ?

Références
5A_68/2020 (d) du 2 septembre 2020 traduit au RMA 1/2021 p. 37 RJ 19-21