Jurisprudence | Prestations complémentaires

Nullité d’une notification à une personne incapable de discernement

Résumé

Sieur A, qui souffre d’un retard mental, vit depuis 2001 à la fondation B où les décisions concernant ses prestations complémentaires (ci-après PC) lui sont notifiées. Sieur A n’a pas de représentant·e. C’est la fondation B qui remplit les demandes de PC. En janvier 2016 la fondation B informe le service des prestations complémentaires (ci-après SPC) que le prix de la pension n’avait, et depuis longtemps, pas été calculé correctement. Le SPC fait état d’une erreur de saisie informatique en 2001 et déclare qu’il corrigera la situation pour le futur ; en revanche il refuse d’entrer en matière sur une demande de reconsidération pour la période antérieure, motif pris que les décisions erronées sont entrées en force sans avoir été contestées. En juillet 2016, Sieur A est mis sous curatelle de portée générale. Il demande alors que soit constatée la nullité de toutes les décisions de PC rendues à son égard depuis 2001. Face au refus du SPC l’avocate de Sieur A finit par s’adresser au Tribunal fédéral (ci-après TF) pour que le SPC rende de nouvelles décisions pour les années 2001 à 2015 et constate que les PC versées de 2001 à 2015 présentaient un « manco » en sa faveur. Le TF lui donne raison.

Le TF constate que les décisions notifiées par le SPC entre 2001 et 2015 ont été adressées à Sieur A à son lieu de résidence, la fondation B.  Toutefois, la fondation B n’était pas habilitée à percevoir directement les PC dues à Sieur A sur la base de l’article art. 20 LPGA*, comme le prétendait le SPC. Il fallait encore tenir compte du fait que Sieur A, incapable de discernement, n’avait jamais pu s’occuper de ses affaires administratives, ni donc être habilité à désigner lui-même un·e représentant·e en la personne de la fondation B.  Le SPC ne pouvait pas considérer que ses décisions étaient valablement notifiées à une personne incapable de discernement sans s’interroger sur sa représentation. Or le fait que la fondation B, qui s’occupait en permanence des affaires de Sieur A, ait été autorisée par la loi (OPC, RAVS, LPGA, OPGA) à requérir les PC en son nom, à les percevoir directement et à se voir notifier les décisions y relatives n’impliquait pas qu’elle fût habilitée à représenter Sieur A en ce qui concerne les PC. Notifiées à une personne incapable de discernement et dépourvue de représentant légal, les décisions de PC n’avaient pas pu parvenir valablement à Sieur A : elles étaient nulles. Compte tenu de l’importance de la protection des personnes incapables de discernement, la nullité de ces décisions est constatée par le TF qui renvoie la cause au SPC pour qu’il statue sur le droit aux PC de Sieur A pour la période antérieure au 1er janvier 2016.

*Disposition de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales permettant à un assureur de verser ses prestations en mains d’un tiers lorsque la personne concernée n’utilise pas les prestations pour son entretien et dépend de ce fait de l’assistance publique ou privée.

Commentaire

Cette affaire nous est familière sur trois points :

  1. La mesquinerie du service des prestations complémentaires, talonné par la nécessité d’économiser même au prix de la rectitude ;
  2. La peine qu’a notre monde à protéger les personnes vulnérables contre des atteintes à leurs droit commises par les autorités qui ont pour but de les soutenir
  3. La nécessité du droit des assuré·es à un·e avocat·e, qui seul·e peut être assez pugnace pour obtenir gain de cause.

 

Références : 9C_57/2020 du 16 février 2021