Jurisprudence | Assurance maladie

Perte de gain : avis du médecin traitant contre l’avis du médecin conseil

Résumé
Suite à un mobbing sur son lieu de travail, Sieur A se trouve en incapacité de travail et au bénéfice d’indemnités journalières de l’assurance perte de gain (ci-après l’assureur). En mars, après quatre mois d’arrêt, son médecin traitant confirme au médecin conseil de l’assureur que Sieur A souffre d’un état dépressif majeur, que l’évolution est favorable et qu’une reprise pourrait être exigible dans quelques mois. En mai Sieur A s’adresse à l’assurance invalidité pour une détection précoce. En juin, sans examiner Sieur A et sur la seule base du dossier, le médecin conseil de l’assureur préconise une reprise à 50% dès le 1er juillet et à 100% dès le 1er septembre alors que le médecin traitant continue à certifier une incapacité totale de travail au-delà du 30 juin. En juillet, Sieur A est licencié pour fin octobre. Il s’inscrit au chômage et l’assureur cesse ses versements. Début octobre le médecin traitant invite le médecin conseil à convoquer Sieur A pour une expertise et une réévaluation de la situation. Le médecin conseil refuse d’entrer en matière. Sieur A est indemnisé par l’assurance chômage.
Sieur A demande au juge de condamner l’assureur à lui verser les indemnités journalières dues. Le juge cantonal constate que l’incapacité de travail avait été sérieusement attestée par les médecins, alors que l’avis divergeant du médecin conseil était sommaire, dépourvu de motivation et ne se fondait pas sur un examen du patient ; il ajoute que la demande de détection précoce corroborait l’incapacité de travail ; il donne gain de cause à Sieur A.
Reprochant au juge cantonal d’avoir écarté l’avis de son médecin conseil, l’assureur saisit le Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne tort. Le TF estime que l’audition du médecin conseil par le juge cantonal aurait été inutile, puisque son opinion ne reposait pas sur un examen de Sieur A. A l’inverse, les allégations précises du médecin traitant apportent la preuve de leur véracité, car elles sont appuyées par des indices objectifs, confortés par le rapport du psychiatre. L’assureur ayant renoncé à faire examiner Sieur A par un médecin de son choix, il s’est privé de constatations cliniques autres que celles effectuées par les médecins traitants. Le TF rappelle encore que les indemnités de chômage sont subsidiaires aux indemnités perte de gain maladie. Il en découle que pour la période où Sieur A a été indemnisé par le chômage alors qu’il avait droit à des indemnités perte de gain maladie, l’assurance chômage peut se faire rembourser par l’assureur perte de gain.

Commentaire
Au-delà du scandale des expertises falsifiées par la Clinique Coréla, devenue Medlex pout tenter d’échapper aux conséquences de ses actes, le citoyen ne peut qu’être choqué de la désinvolture généralisée avec laquelle les médecins expertisent des personnes souffrantes ainsi que du mépris qu’ils manifestent pour les compétences des médecins traitants.

Références
4A_42/2017 du 29 janvier 2018 publié aux ATF 144 III 136