Jurisprudence | Assurance invalidité

Révision de rente : la capacité d’organiser une escroquerie ne démontre pas une amélioration de l’état de santé

Résumé
Sieur A, qui travaille comme conducteur de bus, perçoit une rente AI depuis 2003. En 2006 l’office AI (ci-après OAI) met Sieur A au bénéfice d’une demi-rente après évaluation du service médical régional (ci-après SMR) ; la demi-rente est confirmée en juillet 2010 sur la base de l’avis du psychiatre traitant. En août 2013 Sieur A est condamné pénalement pour des faits s’étant déroulés du 5 mars au 3 mai 2010. Fort de ce jugement l’OAI initie une révision et, en juillet 2015, supprime la demi-rente avec effet au 1er janvier 2010. L’OAI s’appuie sur une expertise psychiatrique de 2014 qui diagnostique un trouble dépressif récurrent, mais indique que Sieur A était en rémission de sa pathologie dépressive entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013.

Sieur A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) pour demander le rétablissement de son droit à la rente : le TF admet son recours et annule la décision attaquée.

Selon l’article 17 de la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) une rente peut être révisée si l’état de santé se modifie sensiblement ou si l’état de santé demeure inchangé, mais que ses conséquences sur la capacité de gain se modifient sensiblement. Il fallait ainsi comparer l’état de santé de Sieur A en 2006, lors de l’évaluation du SMR, avec son état de santé dès le 1er janvier 2010, au moment de la suppression de la demi-rente. Or l’expertise psychiatrique de 2014 confirme le diagnostic de trouble dépressif récurrent posé en 2006. Le fait que Sieur A ait été en mesure de conceptualiser et de planifier un projet d’escroquerie relativement complexe ne permet pas de démontrer à lui seul une amélioration sensible de son état de santé. Au surplus, les ressources physiques et psychiques permettant à Sieur A d’exercer, par moments, des activités plus étendues que son activité professionnelle de conducteur de bus à mi-temps étaient connues de l’OAI depuis 2006 ; dès lors, la capacité de réaliser des infractions pénales durant un temps limité n’apparaissant pas nouvelle, elle ne dénote aucune amélioration de l’état de santé. En ceci, l’expertise de 2014 ne constitue qu’une appréciation clinique différente de la situation médicale (demeurée inchangée depuis 2006) de Sieur A.

Commentaire
Dans un monde toujours plus moralisateur vis-à-vis des ayants droit à des prestations sociales on ne s’étonne pas de voir un OAI supprimer la rente d’un délinquant. Mais qu’on se rassure de voir le TF veiller au grain : un comportement blâmable n’est pas la preuve irréfutable d’une bonne santé psychique !

Références
9C_117/2018 du 19 octobre 2018