Jurisprudence | Placement à des fins d’assistance

Un PAFA de longue durée sans perspective de guérison peut être disproportionné même si l’expertise fait état d’un danger pour soi ou autrui

Résumé
Par jugement du 20 avril 2017 Sieur A est soumis à une mesure pénale pour avoir menacé sa fille aînée de mort, alors qu’il était sous le coup d’un trouble délirant d’ordre religieux. Jugé pénalement irresponsable, il est soigné en clinique puis transféré au centre de soin B en décembre 2019. Là, il est pris en charge une fois par semaine par l’équipe soignante du centre de thérapie légale ambulatoire de la clinique C. A l’occasion de l’examen annuel de la mesure Sieur A exprime son souhait de voyager au Soudan ou d’être transféré dans un foyer ouvert et demande la levée de la mesure thérapeutique. Par jugement du 14 février 2020, le Tribunal cantonal ordonne la libération de Sieur A. Mais, le 28 avril 2020, l’Autorité de protection de l’adulte et de l’enfant (APEA) ordonne son placement à des fins d’assistance (PAFA) au centre de soin B. Sieur A s’y oppose devant le Tribunal cantonal, qui le déboute, puis devant le Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne raison et renvoie l’affaire à l’instance cantonale.

Celle-ci avait estimé que Sieur A remplissait les conditions d’un PAFA dès lors qu’il souffrait d’un trouble psychique entrainant une mise en danger de soi et éventuellement d’autrui qui nécessitait un traitement médical. Sieur A reconnaissait souffrir d’un délire religieux, il admettait un état de faiblesse mais non de danger et estimait le PAFA disproportionné.

Le TF rappelle que la seule mise en danger ne justifie pas un PAFA, ce que le tribunal cantonal a méconnu. L’existence, constatée en l’espèce par expertise, d’un risque pour soi et/ou autrui ne dispense pas d’examiner les autres conditions du PAFA notamment la proportionnalité : le risque doit être pesé par rapport à l’atteinte que le PAFA porte à la liberté personnelle. L’absence d’adhésion thérapeutique ne suffit pas non plus à justifier un PAFA, car le traitement ou l’assistance que vise le placement doit s’entendre dans un sens large. Son but étant de restaurer l’autonomie de la personne, le PAFA ne doit pas s’inscrire dans la longue durée, mais être limité dans le temps. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la loi oblige les autorités à un examen périodique de la légalité des placements. Même lorsque l’état de faiblesse ou le besoin d’assistance ne peuvent pas être éliminés, le but du PAFA reste de promouvoir les compétences de la personne concernée. Ainsi, si le traitement médical est impuissant à améliorer l’état de santé c’est la qualité de vie de la personne qui doit être améliorée.

En l’espèce, l’expertise a permis d’établir que le délire religieux de Sieur A n’est pas susceptible de guérison en l’état de la science ; de même a-t-il été constaté un risque de rechute et de mise en danger en l’absence de thérapie médicamenteuse. Sieur A ne nie pas ces faits, mais reproche au PAFA d’être disproportionné et de servir, en réalité, à prolonger la mesure pénale.

Sous l’angle de la proportionnalité le TF rappelle que le PAFA ne peut avoir pour but le traitement médical que si celui-ci ne peut pas être suivi en ambulatoire. Dans le cas présent, la gravité de la mesure (un PAFA de longue durée, avec traitement mais sans perspective d’amélioration de la santé selon les connaissances médicales actuelles) aurait nécessité à tout le moins des explications claires permettant d’assurer qu’il n’existait pas d’institutions appropriées ouvertes ou qu’un traitement ambulatoire n’entrait pas en ligne de compte. Compte tenu du fait que Sieur A nécessite une protection contre lui-même, le TF ne peut pas se contenter de casser la décision cantonale, mais doit renvoyer l’affaire au tribunal cantonal afin qu’il revoie la situation à la lumière du principe de proportionnalité.

Commentaire
La tentation de continuer une mesure pénale par une mesure civile doit nous inquiéter car si la première vise principalement à protéger la société et doit être levée quand ce but est atteint, la seconde doit porter une assistance nécessaire à une personne en souffrance et non pas la retenir loin du monde à titre préventif.

Cet arrêt rappelle à propos que la seule existence d’un danger, même établi par une expertise, ne suffit pas à décider d’un placement, car ce dernier a une vocation d’assistance et non de répression.

Références
5A_567/2020 du 18 septembre 2020 (en allemand)