Pas de décision sur recours contre un PAFA médical sans expertise ! Même si c’est compliqué.

Jurisprudence | Placement à des fins d’assistance

Pas de décision sur recours contre un PAFA médical sans expertise ! Même si c’est compliqué.

Résumé
Dans cette affaire bernoise, Sieur A est placé le 11 juillet 2021 à la clinique B par le Dr C pour une durée de 6 semaines. Il demande sa sortie et réclame une expertise, ce que le Tribunal bernois lui refuse le 2 août 2021. Sieur A saisit le Tribunal fédéral (ci-après TF) le 11 août puis, le 23 août, l’informe que l’Autorité de protection de l’adulte (ci-après APEA) a rejeté la demande de prolongation du placement à des fins d’assistance (ci-après PAFA) déposée par les médecins et qu’il a pu quitter la clinique.

La question qui se pose encore devant le TF est celle de savoir si une expertise est indispensable pour se prononcer sur un PAFA médical (ci-après PAFA-méd.). Selon le Tribunal bernois, l’article 450 e al. 3 CC* ne serait pas applicable en cas de placement par un médecin : d’une part il ne serait pas possible de statuer sur la demande de sortie dans les 5 jours s’il fallait diligenter une expertise, d’autre part le Tribunal compétent pour statuer sur la demande de sortie comprendrait de toute façon des juges spécialisé·es en son sein.

Le TF constate que la position du Tribunal bernois contredit l’interprétation fédérale de l’article 450 e CC selon laquelle un juge spécialisé ne peut pas se substituer à un expert indépendant (ATF 140 III 105, SJ 2014 I 345).

Le TF considère néanmoins l’opportunité d’un changement de pratique. En préambule il expose qu’un tel changement doit, pour des motifs de sécurité du droit, pouvoir s’appuyer sur des raisons objectives et sérieuses ; un changement se justifie lorsque l’application du droit est erronée ou obsolète. Or, les pratiques cantonales et la doctrine s’opposent à un tel changement pour plusieurs motifs : les règles de procédure doivent être les mêmes que le PAFA soit prononcé par l’APEA ou par un·e médecin ; la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme stipule très clairement que « les experts ne sont désignés que pour assister le tribunal en lui fournissant des avis éclairés grâce à leurs connaissances spécialisées, sans avoir de fonctions juridictionnelles . » ; enfin la gravité de l’atteinte à la liberté personnelle que représente un PAFA exige, en cas de troubles psychiques, un avis d’experts indépendants. Au vu de ces principes les difficultés pratiques d’application avancées par le Tribunal bernois ne justifient pas de renoncer à une expertise indépendante pour se prononcer sur un PAFA méd. Qu’un PAFA émane d’un·e médecin ou de l’APEA le délai pour se prononcer reste de 5 jours ouvrables et le risque que cette exigence de célérité se heurte à celle d’une expertise indépendante ne justifie pas de renoncer à la seconde mais nécessite des aménagements de procédure. Dès lors les conditions pour un changement de pratique ne sont pas données.

La juridiction bernoise justifiait également le renoncement à une expertise au motif que Sieur A aurait souffert d’un retard mental alors même que l’article 450 e alinéa 3 CC n’exige d’expertise que pour des troubles psychiques. Le TF réfute l’argument en relevant que le médecin qui avait prononcé le PAFA avait mentionné un trouble psychique à l’exclusion de tout retard mental, lequel avait été incidemment mentionnée en 2013 à l’occasion d’une hospitalisation. Dans ces conditions, retenir un retard mental pour renoncer à une expertise était arbitraire.

* Art. 450e

1 Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d’assistance ne doit pas être motivé.

2 Il n’a pas d’effet suspensif, sauf si l’autorité de protection de l’adulte ou l’instance judiciaire de recours l’accorde.

3 La décision relative à des troubles psychiques doit être prise sur la base d’un rapport d’expertise.

4 L’instance judiciaire de recours, en règle générale réunie en collège, entend la personne concernée. Elle ordonne si nécessaire sa représentation et désigne un curateur expérimenté en matière d’assistance et dans le domaine juridique

Commentaire
Quand il s’agit de la population la plus fragilisée la tentation est toujours là de faire simple au détriment du respect de ses droits.  Le souci affiché du confort de l’autorité répressive est hautement questionnable lorsqu’il s’agit de prononcer l’une des mesures les plus attentatoires à la liberté d’une personne qui n’a pas offensé l’ordre public.

Référence
5A_640/2021 du 13 octobre 2021 (d), destiné à publication aux ATF)

 

 

Droit à une rente invalidité à un âge proche de celui de la retraite

Jurisprudence | Assurance invalidité

Droit à une rente invalidité à un âge proche de celui de la retraite

Résumé
Dame A est née en 1956 et travaillait pour l’hôpital B depuis 30 ans lorsqu’elle a déposé une demande AI, en juillet 2017, alors âgée de 61 ans, après plusieurs arrêts de travail. L’office AI (ci-après OAI a investigué sa situation pendant deux ans avant de rendre une décision lui accordant une rente entière du 1er janvier au 31 décembre 2018. Selon les experts du Centre d’expertise médicale de Nyon (CEMed http://www.cemed-expertises.ch/ ) Dame A souffrait de diverses pathologies liées à l’utilisation de l’alcool : troubles mentaux, personnalité évitante, agoraphobie avec trouble panique, hypertension artérielle, emphysème, syndrome de dépendance, lombalgies, polyneuropathie, éthylisme chronique ;  à dire d’experts elle disposait toutefois d’une capacité de travail à 100% dans son activité habituelle dès le 28 septembre 2018 avec la mise en place d’une aide au placement, dès lors qu’elle ne pouvait pas se confronter seule au marché de l’emploi, vu sa fragilité psychique.

Dame A recourt contre cette décision faisant valoir son droit à une rente depuis le 1er janvier 2018 et sans limite dans le temps. Par arrêt du 11 août 2021, le Tribunal fédéral (ci-après TF), désavouant la juridiction cantonale vaudoise, lui accorde une rente jusqu’au 31 janvier 2020.

Le TF rappelle que, de manière générale, l’âge est un facteur étranger à l’invalidité même s’il rend parfois impossible la recherche d’un emploi. Il existe toutefois des situations dans lesquelles une réadaptation par soi-même ne peut pas être exigée en raison de l’âge ou de la durée de versement de la rente. En principe lorsqu’un·e assuré·e a plus de 55 ans, il convient de mettre des mesures de réadaptation en place lorsqu’on limite une rente dans le temps au moment de l’octroyer. S’agissant plus particulièrement de Dame A, compte tenu de sa fragilité psychique et de son âge, il n’est pas concevable qu’elle puisse reprendre seule et du jour au lendemain son activité habituelle auprès d’un autre employeur que celui pour lequel elle a travaillé pendant plus de 30 ans. On peut même douter qu’une aide au placement, telle que recommandée par le CEMed, soit suffisante. De plus, les ressources professionnelles et la faculté d’adaptation de Dame A, mises en avant par la juridiction cantonale pour refuser une aide au placement, reposent sur des faits antérieurs à la décompensation psychique de 2016 et ne permettent par conséquent pas de contredire l’avis d’experts selon lequel Dame A ne peut pas se confronter seule au marché de l’emploi. Dès lors que Dame a entre-temps atteint l’âge de la retraite le TF renonce à renvoyer la cause à l’OAI pour qu’il mette en œuvre des mesures nécessaires à la réintégration du marché de l’emploi et accorde à Dame A le droit au maintien de sa rente jusqu’à la date à partir de laquelle elle a pu prétendre à une rente de l’AVS, soit au 31 janvier 2020.

Commentaire
Nous constatons une fois de plus qu’une administration maltraitante et chicanière, obsédée par les économies, en perd le sens de son action et la raison de son existence qui sont de soutenir les ayants-droit dans leurs demandes légitimes.

Référence
9C_663/2020 du 11 août 2021

 

La schizophrénie d’un père ne justifie pas à elle seule la limitation de son droit de visite

Jurisprudence | Droit de la famille

La schizophrénie d’un père ne justifie pas à elle seule la limitation de son droit de visite

Résumé
Sieur A est père de deux enfants.  En 2017 le tribunal de la famille ordonne un droit de visite surveillé. Deux ans plus tard, après le divorce, le droit de visite surveillé de Sieur A est fixé à deux samedis par mois durant 3 heures et demie, la surveillance des relations personnelles étant confiée à l’organisation B. Sieur A recourt contre cette décision, réclamant une adaptation du droit de visite de façon à ce que celui-ci puisse s’exercer sans surveillance chaque semaine du samedi à 9 heures au dimanche à 19 heures, précisant qu’il accepte un accompagnement au moment de la remise des enfants ainsi qu’une curatelle pour surveiller ce transfert. Le Tribunal cantonal refuse un droit de visite ordinaire au motif que Sieur A souffrirait de schizophrénie de sorte que son comportement serait étrange, qu’il aurait de la peine à respecter les règles, n’aurait pas conscience de sa maladie, qu’il préférerait son fils à sa fille et qu’il aurait été agressif envers la mère des enfants, toutefois hors de leur présence.

Le Tribunal fédéral (ci-après TF) donne raison à Sieur A.

Dans un premier temps, le TF rappelle le droit fondamental des parents à un contact personnel, direct et privé avec leurs enfants. Dans cette perspective, la surveillance du droit de visite a pour but de protéger les enfants, de désamorcer des situations de crise et d’améliorer la relation entre parents et enfants ; conçue comme une transition elle ne peut être ordonnée que pour une durée limitée. Selon le TF la maladie psychique n’est pas en soi un motif justifié pour limiter le droit de visite d’un parent. Le comportement étrange du père, ses confits avec la mère allant jusqu’à des voies de faits, de même qu’une préférence nette pour son fils par rapport à sa fille ne justifient pas un accompagnement pendant toute la durée de la visite, faute d’éléments concrets faisant craindre une mise en danger du bien de l’enfant. L’appréciation vague et générale du tribunal cantonal, qui ne précise ni le comportement concret reproché à sieur A ni la menace qui en résulterait pour l’intérêt supérieur de l’enfant, n’est pas de nature à justifier une restriction du droit de visite. Le fait que le fils ait réagi avec peur et inquiétude au début de la maladie de son père et particulièrement lorsque Sieur A s’est montré agressif avec la mère ne justifie pas non plus une restriction grave au droit de visite. En effet, les conflits entre les parents peuvent être traités par d’autres mesures qu’une surveillance des relations personnelles entre le père et ses enfants. S’agissant de la fille, le TF constate que ses réactions ne se sont pas documentées. Il est dès lors reproché au tribunal cantonal d’avoir supposé qu’elle aurait bientôt des réactions similaires à celles de son frère aîné. En effet, la décision de justice doit porter sur le présent et non sur le futur. Au surplus la règlementation du droit de visite peut être différente pour chaque enfant, puisque chacun·e a un droit indépendant aux relations personnelles avec ses parents. Si chacune des circonstances mises en avant par le tribunal cantonal ne suffit pas pour justifier une limitation du droit de visite, prises ensemble, elles pourraient apparaître suffisantes. Mais en l’espèce il n’y a pas d’éléments concrets permettant de conclure à une mise en danger du bien des enfants.

Commentaire
Réjouissons-nous de cet arrêt réfutant les préjugés discriminatoires qui s’exercent ordinairement à l’encontre des personnes malades et particulièrement de celles dont le comportement inhabituel ne transgresse pourtant pas la loi. Faut-il rappeler que la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH ratifiée par la Confédération, voir RS 0.109) exige que les États prennent des mesures pour éliminer la discrimination à l’égard des personnes handicapées dans tout ce qui a trait à la fonction parentale et aux relations personnelles (art. 23 al. 1 CDPH) ?

Références
5A_68/2020 (d) du 2 septembre 2020 traduit au RMA 1/2021 p. 37 RJ 19-21

Droit à un défenseur d’office pour une personne souffrant d’un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline

Jurisprudence | Droit pénal

Droit à un défenseur d’office pour une personne souffrant d’un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline

Résumé
Dame A est condamnée pour avoir hébergé des ressortissants étrangers sans autorisation de séjour en Suisse et avoir accepté de leur part le produit d’un vol. Elle s’oppose à sa condamnation et demande la désignation d’un défenseur d’office qui lui est refusé au motif que la cause ne serait pas compliquée et que, même si elle est à l’assurance invalidité, rien ne démontrerait que ce soit en raison d’une atteinte à la santé psychique qui l’empêcherait de se défendre. Considérant qu’elle n’est pas en mesure de se défendre seule en raison des troubles de la personnalité dont elle souffre, Dame A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) pour demander que Me B lui soit désigné comme défenseur et obtient gain de cause.

Le TF rappelle que, aux termes de l’article 130 lettre c du code de procédure pénale* (CPP RS 3112.0), la capacité à procéder doit être examinée d’office et que l’incapacité n’est reconnue que très exceptionnellement. En ce qui concerne les empêchements psychiques il faut établir que le·la prévenu·e ne saisit pas ou plus les enjeux auxquels il·elle est confronté·e sans nécessairement souffrir de troubles d’ordre psychiatrique. La direction de la procédure dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer si le·la prévenu·e peut suffisamment se défendre ou non.

Le TF constate que la demande de Dame A a été rejetée notamment parce que la mesure de curatelle dont elle avait fait l’objet avait pu être levée suite à une stabilisation de sa santé : l’abandon de la curatelle démontrerait que Dame A n’est pas atteinte psychiquement au point de devoir être assistée dans une affaire pénale ne présentant pas de difficultés. Au surplus, le fait qu’une assistance sociale lui demeure nécessaire pour la gestion de ses affaires courantes ne saurait justifier à lui seul la désignation d’un·e défenseur·euse d’office. Relevant que Dame A avait produit un certificat médical établissant l’existence et l’ampleur de ses troubles psychiques (personnalité émotionnellement labile de type borderline, épisode dépressif moyen) le TF estime qu’une défense obligatoire se justifie dans cette affaire : même si Dame A avait pu s’exprimer de manière cohérente devant la police, des questions d’ordre juridique sont abordées en audience, ce qui nécessite de pouvoir se déterminer. L’ensemble des circonstances démontre qu’il subsiste un doute sur la capacité de Dame A à faire valoir à bon escient sa position dans une procédure qui présente un certain enjeu, vu ses antécédents judiciaires.

* Art. 130 Défense obligatoire

Le prévenu doit avoir un défenseur dans les cas suivants:

c. en raison de son état physique ou psychique ou pour d’autres motifs, il ne peut pas suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et ses représentants légaux ne sont pas en mesure de le faire;

Commentaire
Impossible de savoir combien d’autres prévenu·es en souffrance psychique se voient refuser une défense parce que la direction de la procédure (soit le ministère public jusqu’à la mise en accusation , puis le·la juge) s’accommode de leurs difficultés et les minimise…

Référence
1B_285/2016 du 1er septembre 2016

Expertise : communication obligatoire du nom des médecins tiers qui résument le dossier et relisent l’expertise

Jurisprudence | Assurance invalidité

Expertise : communication obligatoire du nom des médecins tiers qui résument le dossier et relisent l’expertise

Résumé
En août 2016 Sieur A dépose une troisième demande à l’assurance invalidité. L’office AI (ci-après OAI) confie au CEMed (http://www.cemed-expertises.ch/) une expertise pluridisciplinaire sur la base de laquelle il retient que, la durée de l’incapacité de travail de Sieur A étant inférieure à une année, les conditions d’accès à une rente ne sont pas données (article 28 LAI*, loi sur l’assurance-invalidité RS 831.20). Sieur A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui admet partiellement son recours et renvoie l’affaire à la juridiction cantonale.

Le TF estime que la juridiction cantonale ne pouvait pas accorder pleine valeur probante au rapport du CEMed. En effet, les médecins du CEMed avaient fait appel à des médecins tiers, ce que l’article 44 LPGA** (loi sur la partie générale du droit des assurances sociales RS 830.1) autorise à condition que les noms de ces experts soient communiqués aux parties afin qu’elles puissent les récuser si elles ont des raisons pertinentes de la faire. Cette obligation s’étend au nom du médecin chargé d’établir l’anamnèse, d’analyser et résumer le dossier ou de relire le rapport pour en vérifier les conclusions. En l’espèce la juridiction cantonale aurait dû retenir que les médecins tiers appelés à résumer le dossier et relire l’expertise avaient effectué des tâches fondamentales d’expertise et non des tâches secondaires et que par conséquent leur identité devait être communiquée à Sieur A. L’affaire est donc renvoyée à la juridiction cantonale afin qu’elle procède aux démarches nécessaires à permettre à Sieur A d’exercer son droit de récusation et qu’elle rende ensuite une nouvelle décision sur son droit à la rente.

* Art. 28 Principe

  1. L’assuré a droit à une rente aux conditions suivantes:
    a. sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles;
    b.il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable;
    c. au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins.
  2. La rente est échelonnée selon le taux d’invalidité:
    Taux d’invalidité Droit à la rente en fraction d’une rente entière
    40 % au moins un quart
    50 % au moins une demie
    60 % au moins trois quarts
    70 % au moins rente entière

** Art. 44 Expertise

Si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

Commentaire
Deux mois après avoir donné la leçon au canton de Fribourg sur ce sujet (voir 9C_496/2020 résumé sur ce site), le TF doit remettre la compresse avec celui du Jura. Les OAI sont-ils incompétents ou délibérément négligents, comptant vicieusement sur la difficulté des assuré·es à se défendre ?

Référence
9C_561/2020 du 10 juin 2021

 

La schizophrénie du prévenu n’est pas un risque concret de récidive

Jurisprudence | Droit pénal

La schizophrénie du prévenu n’est pas un risque concret de récidive

Résumé
Sieur A, qui souffre de schizophrénie, a été condamné en 2013 à une peine privative de liberté de six mois, suspendue au profit d’un traitement institutionnel en milieu ouvert. Entre 2014 et 2017 Sieur A a été transféré d’une clinique vers une prison, de la prison en foyer, du foyer vers la clinique puis finalement transféré en milieu pénitentiaire fermé sur la base d’une expertise concluant à la nécessité d’un environnement contrôlé ne permettant ni fugue ni manquement aux entretiens thérapeutiques ou aux activités proposées. Selon l’expertise l’adhésion fragile aux mesures était liée à l’anosognosie de Sieur A, son évolution psychologique par rapport à ses actes demeurait superficielle de sorte qu’il était à craindre qu’en cas de rupture future du lien thérapeutique il ne retombe dans les travers qui lui avaient valu une condamnation. Sieur A s’insurge jusqu’au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui annule le placement en milieu fermé.

Le TF rappelle tout d’abord les conditions d’un placement en milieu fermé de l’article 59 alinéa 3 du code pénal* (ci-après CP) : risque de fuite ou de récidive qualifié c’est-à-dire concret avec de hautes probabilités de nouvelles infractions. Le risque de fuite n’est avéré que si l’intéressée a la ferme intention de s’évader en ayant recours à la force si nécessaire et qu’il dispose des facultés intellectuelles, physiques et psychiques nécessaires alors que le risque de récidive suppose une dangerosité interne par exemple lorsque le prévenu profère des menaces précises. Reprenant les constats de la cour cantonale le TF juge que ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce. En effet, les fugues de Sieur A n’étaient pas liées à une volonté de se soustraire au traitement et son comportement durant ces périodes n’avait donné lieu à aucune plainte même s’il en profitait pour consommer du cannabis. S’agissant du risque de récidive retenu par la cour cantonale, il était hypothétique et se fondait sur un événement futur potentiel à savoir la rupture du lien thérapeutique. D’autre part, la violation des règles internes à l’établissement et le risque de récidive inhérent à toute personne faisant l’objet d’une mesure thérapeutique ne suffisent pas à justifier un placement en milieu fermé au sens de l’art. 59 al. 3 CP. Enfin, rien ne permettait de de conclure que le placement en milieu fermé favoriserait l’amélioration de l’état clinique de Sieur A. Par conséquent le TF annule le placement de Sieur A en milieu fermé.

*Art. 59

  1. Lorsque l’auteur souffre d’un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel aux conditions suivantes :
    – l’auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trou­ble;
    – il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble
  2. Le traitement institutionnel s’effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d’exécution des mesures.
  3. Le traitement s’effectue dans un établissement fermé tant qu’il y a lieu de craindre que l’auteur ne s’enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l’art. 76, al. 2, dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié.
  4. La privation de liberté entraînée par le traitement institutionnel ne peut en règle générale excéder cinq ans. Si les conditions d’une libé­ration conditionnelle ne sont pas réunies après cinq ans et qu’il est à prévoir que le maintien de la mesure détournera l’auteur de nouveaux crimes ou de nouveaux délits en relation avec son trouble mental, le juge peut, à la requête de l’autorité d’exécution, ordonner la prolonga­tion de la mesure de cinq ans au plus à chaque fois.

Commentaire
Une personne anosognosique adhère mal à des mesures dont elle ne perçoit pas l’utilité. Cette attitude est inhérente à son handicap et ne devrait, par conséquent, jamais justifier son maintien en prison, car cela ne serait pas conforme à l’article 14 CDPH (Convention relative aux droits des personnes handicapées RS 0.109) selon lequel en aucun cas l’existence d’un handicap justifie une privation de liberté.

Référence
6B_319/2017 du 28 septembre 2017